Rencontre avec le street-artist Max132
Nous nous sommes intéressés au travail conjoint d’artistes street-art ayant réalisés une fresque monumentale recouvrant la boutique Rougier & Plé. Cette fresque apporte un nouveau souffle à cette façade en attendant la rénovation complète de celle-ci.
Au sein de l’équipe Celize, nous sommes passionnés de street-art et aux différents moyens d’expression dans l’espace urbain.
Rencontre avec Max132, street-artist de LATEULIER en charge de la réalisation d’une fresque pour Rougier & Plé
Peux tu nous parler de ton parcours Max132 ? comment en es-tu venu à t exprimer dans la rue ?
Je viens de Champigny une ville du 94. J’ai toujours été passionné par le dessin sous toutes ses formes depuis tout petit. Dans les années 90, j’ai découvert le graffiti, notamment des fresques de Mode2 (Graffiti artiste). Comme cela faisait parti de la culture hip hop, j’ai de suite été intéressé. Je me suis directement projeté sur des dessins sur les murs en grand format. J’ai commencé ensuite à m’initier à la bombe de peinture, à faire des tags, des graffs, du légal ou non légal… Parallèlement à ça, j’ai fait des études de graphisme. Après, j’ai combiné mes deux passions. Avec des camarades d’école, on a formé plusieurs groupes. Entre amis, on s’est entrainé sur les murs. Aujourd’hui, on est réuni au sein du collectif 132.
Pourquoi avoir choisi la rue et le grand format ?
Ce qui est plaisant dans le grand format… C’est la liberté de s’exprimer au delà de la feuille de papier, et de s’exposer au plus grand nombre. Avec le tag et le graf, le principe de base, c’est de marquer son nom pour avoir le maximum de visibilité. C’est comme les affiches publicitaires dans la rue. Eux, ils vendent des produits et nous on affiche notre nom et celui de notre team. C’est le même principe marketing. Matraquage publicitaire (rires).
Comment définirais-tu ton style et ta façon de travailler ?
Mon style est figuratif. Je suis passionné de dessin. Je suis assez fan de BD, de dessin animé etc. Je suis moins dans le lettrage. Par rapport à mes compétences graphiques et mon savoir-faire en peinture, je me suis tourné directement vers la décoration. Au départ, les clients voulaient essentiellement des réalisations, que je qualifierai « classique » : des paysages, des portraits… Je peignais en intérieur et en extérieur, parfois dans le cadre d’évènements. A mes débuts, j’ai commencé par peindre sur des rideaux de fer. J’ai donc démarché des boutiques.
Par rapport à ma formation de graphiste, j’ai appris à répondre à des commandes, de faire en fonction des attentes des clients. Certains graffeurs préfèrent rester dans l’esprit du graffiti et peuvent avoir du mal avec les contraintes. Pour ma part, je me suis assez diversifié. J’ai fait plein de choses différentes : des réalisations graphiques et d’autres plutôt réaliste… Tout en développant ma technique, ma façon d’utiliser la bombe. Mon univers est assez vaste.
Après dans mes projets personnels, en opposition au travail de commande mon univers créatif est plus sombre…
Pour la conception de la fresque sur la boutique Rougier & Plé, comment le projet s’est déroulé ?
Pour le projet, nous sommes passé par mon association lateulier. C’est une association qui gère les projets nécessitant l’intervention de plusieurs artistes. Chaque artiste a son statut, soit auto-entrepreneur, soit enregistré à la maison des artistes. Une seule entité. Cela évite que ce soit un artiste qui porte entièrement le projet sur ses épaules.
Comment l’équipe a été constituée ?
J’ai constitué l’équipe du projet. Les artistes ont été sélectionnés selon les spécificités du projet dont les contraintes liées au support. Dans le cas de Rougier & Plé, nous n’étions pas dans un cas de figure habituel de « graff »où l’on intervient sur des murs entiers. Ici, nous avons dû travailler sur des encadrements de fenêtres. Comme ce n’était pas très grand, j’ai choisi des artistes qui étaient capable de réaliser un visuel qui soit décoratif et qui peut s’adapter à un support restreint.
L’espace étant trop petit, nous n’aurions pas pu taguer des grandes compositions. Ça aurait été plein, il n’y aurait pas eu de vitrine, ça aurait pu être avec des graffeurs classiques. J’ai donc choisi des artistes graff qui peuvent répondre à cette contrainte d’espace. J’ai choisi aussi par affinité des artistes que je connais bien avec qui j’ai déjà peints.
As-tu réparti une zone par artiste ?
Non, on a vu cela ensemble directement sur place.
Qu’est ce qui a guidé votre réflexion artistique au niveau collectif et individuel ?
J’ai fait appel justement à eux parce que je sais que chacun maîtrise parfaitement son style. Ils le font de façon spontanée. On travaille sur la base de la confiance. Vu que je connais bien leur travail et leur maîtrise de leur style graphique.
Peux tu nous présenter les réalisations des différents artistes ?
Chacun des artistes a son style graphique qui est facilement identifiable.
La seule contrainte qui a été imposée, c’est le code couleurs. Ainsi, même si chacun a un style différent cela donne une unité à la fresque. Mais chacun a pu utiliser les couleurs comme il en avait envie.
A l’extrémité gauche de la façade, vous avez Bebar.
Bebar a son propre style qui est bien reconnaissable notamment avec ses personnages cartoon un peu dans l’esprit Picasso pour la dimension destructurée ou Miro pour les couleurs vives . C’est un style plutôt rond.
(on continue dans le sens de lecture de gauche à droite de la façade principale)
Ensuite, il y a le buste enlacé que j’ai réalisé. J’ai pris un détail d’une sculpture « le rapt de Proserpine » pour mettre en avant la dimension figurative.
Soklak est un artiste polyvalent et rappeur également. Il maitrise plusieurs styles. Pour cette réalisation, il a eu un style cubiste.
Moyoshi a aussi son style graphique bien identifiable : le trait, couleurs franches, découpes graphique. Parfois, son travail fait un peu motif africain, tissus wax. Il mélange aussi les couleurs avec le travail des lignes. Il fait aussi des blocs EDF où il va faire des yeux composés de traits et de couleurs.
Neasso est intervenu sur les rideaux situés à l’entrée.
Le rideau de fer est un espace plein. C’est une surface où il était possible de faire un graff que je dirais plus « classique ». On a décidé de mettre le nom du crew (notre collectif). Un crew (équipe en anglais), c’est un groupe de graffeur/taggueur.
Dans le crew, il y a beaucoup de graffeurs. Dans ce projet, on était 6 à participer (mais pas tous du même crew).
J’ai travaillé sur le retour de la façade avec Amir Roti.
Amir Roti est un artiste accompli, graffeur mais aussi sculpteur et tatoueur.
On a décidé ensemble le visuel. Comme c’était pour le magasin d’arts créatifs, Rougier & Plé et qu’il fallait apporter une dimension artistique. On a décidé de partir sur des visuels de sculpture. Amir a posé les couleurs, le fond, le rouge et orange. J’ai tracé les esquisses, les traits de construction. Ensuite, Amir a peint les couleurs du fond, le rouge et orange, avec des effets.. Puis je suis intervenu par-dessus pour donner les volumes des personnages « les 3 Graces » de Canova, pendant qu’il travaillait sur les formes abstraites en arrière plan.
Sur la dernière partie de la façade côté rue Commines, Amir a dessiné au trait en oscillant entre le figuratif et l’abstrait, avec un mélange entre des formes solides et vaporeuses. Cette manière de dessiner est propre à son style.
Il y a-t-il eu un travail de recherche pour la sculpture ?
Oui, mais juste entre nous deux avec Amir.
Le directeur du magasin, Stéphane Hecquel, nous faisait totalement confiance. J’ai géré le projet en ayant carte blanche.
A propos
LATEULIER est un espace de création, spécialisé dans les arts visuels et art mural dit « Street-art ». L’association est composée d’ une équipe expérimentée de graffeurs, illustrateurs, graphistes et directeurs artistiques.
EN SAVOIR + – HABILLAGE DE LA FAÇADE EN TOILE DE ROUGIER & PLÉ